L’intérêt pédagogique des podcasts
Le podcast, ce format numérique sonore développé il y a bien longtemps, s’est répandu comme une trainée de poudre pendant le confinement. On l’entendait à toutes les sauces : qu’il provienne de chaines professionnelles ou d’amateurs·trices qui passaient le temps, le podcast a littéralement explosé en 2020 : près de 900.000 podcasts ont été publiés cette année là, selon la société Chartable, spécialisée dans le domaine. Et loin des réunions en visio qu’aujourd’hui, en 2022, on évite au maximum, le podcast s’est installé confortablement dans nos habitudes médiatiques.
Au même titre que « week-end », « toast », « cool » ou « babysitter », le nom « podcast » provient de l’anglais et rassemble deux termes à savoir, « Ipod » et « Broadcast ». Si le premier fait référence à ce petit objet créé par Apple pour écouter de la musique, le second signifie « émission » et « diffuser ». Jusque là, rien d’étonnant. Les podcasts sont donc des formats sonores diffusés sur des plateformes spécialisées.
On entend régulièrement dire « mais, c’est une émission radio ! ». Et bien non. Dans le monde du podcast, il existe deux grandes catégories, qui certes, pour les non initié·es créent la confusion, mais sont bien différentes. D’un côté, il existe les podcasts « replay » qui sont, en effet, des rediffusions d’émissions radios, raison pour laquelle de nombreuses chaines telles que la RTBF en Belgique ou France Inter chez nos voisin·es permettent aux auditeurs et auditrices de réécouter, de manière asynchrone, les contenus dispensés à des heures précises sur les ondes. D’un autre côté, il y a les podcasts dits « natifs », qui jouissent d’une grande liberté de création, tant dans le contenu, que dans la durée, le ton et même, le nombre de protagonistes impliqués.
NO LIMIT
L’auditeur·trice qui se balade sur Spotify, Google Podcast, Acast ou Stitcher peut choisir le domaine qui l’intéresse : arts, sciences, musique, cinéma… les contenus abordés sont pléthores. C’est sans compter que les formats sont aussi illimités : sans être exhaustive, il existe des podcasts d’interview qui, comme son nom l’indique, posent des questions à un.e ou des invité·es (parce que le nombre de personnes interviewées est aussi laissé à la liberté des personnes qui produisent), des podcasts narratifs qui racontent des histoires fictives, des récits-non fictionnels comme les true-crimes qui sont des espèces de documentaires qui dévoilent un évènement sur plusieurs épisodes, des podcasts conversationnels qui sont des tables rondes où plusieurs personnes discutent entre elles d’un sujet épisodique. Et dans toute cette variété, on peut imaginer des musiques, des bruitages, des extraits sonores, des jingles, des transitions. Bref, le podcast (natif) n’a aucune limite.
MOINS DE MATOS, PLUS DE SCENARIO
A priori, l’on pourrait croire que la création d’un podcast est simpliste si on la compare avec la production d’une vidéo. Certes, le matériel à transporter et à installer est effectivement moins lourd mais il n’empêche que le contenu est tout aussi scénarisé, si ce n’est plus. La vidéo a ce pouvoir d’attention lié à l’image qui attire et capte les internautes. De même qu’un mot non compréhensible dans une interview télé peut être lu grâce aux sous-titres ou rajouté par une petite icône visuelle. Dans un podcast, si on détecte une faute auditive, un ton de voix monotone ou une mauvaise structure de pensée, on perd l’auditeur·trice. Le travail de pré-production est donc colossal : la première étape est de bien définir son public, ce qui influencera le choix de la voix-off, de la durée de l’épisode, du ton, des rajouts sonores et des références. La seconde est de bien choisir ses intervenant·es, quand il y en a : iels doivent être intéressant·es, être expert·es sur le sujet et avoir une voix agréable à écouter. Et la troisième étape, la plus importante, est la définition du storyboard, ce tableau de découpage qui structure le contenu et qui planifie les besoins informationnels et techniques. Et en fonction du tournage, des interviews, des réponses et de la réalité de terrain, ce storyboard évoluera dans la phase de post-production, au moment du montage.
DANS UNE DIMENSION PEDAGOGIQUE ?
Comme la vidéo, le podcast recouvre un tas d’avantages à être utilisé dans une démarche pédagogique. Mais comme pour l’audiovisuel, certains critères doivent être respectés pour que des objectifs d’apprentissage soient menés à bien. En 2009, Gaetan Temperman et Bruno De Lièvre de l’Université de Mons mettaient déjà au point un schéma à 4 cadrants pour catégoriser les podcasts selon les usages et les informations délivrées.
Sur l’axe vertical, on retrouve de part et d’autre, l’usage intégré et l’usage autonome. L’usage autonome est le plus fréquent : on pourrait imaginer un·e enseignant·e qui enregistre en audio son cours et le met à disposition des élèves, qui l’utiliseront comme bon leur semble : réécouter certains cours, organiser ses notes, vérifier des notions plus difficiles à appréhender, réentendre un concept non assimilé. L’usage intégré implique le podcast comme le tremplin d’une nouvelle activité pédagogique. Le contenu du podcast renvoie les élèves vers une tâche à accomplir concernant la matière délivrée par le format audio.
Sur l’axe horizontal, on retrouve d’un côté les enregistrements de cours qui sont des cours bruts enregistrés au moment même. Dans ce cas, si ce n’est la scénarisation pédagogique intrinsèque au cours, il n’y a aucun travail de contenu impliqué par le format. De l’autre côté, on aura des contenus restructurés et retravaillés.
Si pour certain·es ces axes sont trop théoriques, il existe des exemples très concrets pour illustrer les différents cadrants.
Dans le cadran 1, c’est l’enregistrement de cours brut capté au moment même, mis sur une plateforme et diffusé pour que les élèves puissent retourner au contenu pédagogique facilement. La période de confinement a surtout développé ce type de contenus mais dans un format vidéo.
Dans le cadran 2 (enregistré – intégré), il y a une démarche d’enregistrement moins naturelle que dans le cadrant 1. En effet, l’enseignant·e qui va être enregistré·e pendant son cours, sait qu’il ou elle aura pour objectif de lancer les élèves dans une nouvelle tâche pédagogique. C’est ainsi que le ton de la voix seracertainement différent, la posture aussi et les exemples cités seront préalablement choisis et pas mentionnés au hasard. L’intention implique un contexte de tournage un peu différent. Concrètement, on peut imaginer une séquence de cours dans laquelle le ou la prof propose aux étudiant·es de répondre à une question philosophique ou de connaissance posée en fin de podcast.
Dans les cadrans 3 et 4, on y développe des podcasts restructurés, c’est-à-dire qui nécessitent d’une part une scénarisation pédagogique liée au contenu mais d’autre part, une scénarisation impliquée par le format audio. Mais comment produire son podcast dans une dimension pédagogique réalisant des choix judicieux ? Bruno De Lièvre en 2022 a développé une approche qui se décline en 5 phases:
- L’analyse des besoins : il s’agit d’identifier les besoins des élèves en lien avec leurs compétences mais aussi en lien avec les contenus pédagogiques déjà existants pour éviter des redites. Le contenu du podcast doit amener une plus-value informationnelle par rapport aux notes de cours, au contenu dispensé en présentiel ou à tout autre support.
- La structuration des contenus : comme expliqué plus haut, il s’agit de structurer les contenus qu’on va développer dans le podcast avec une introduction, un contenu organisé et une conclusion.
- Le choix des langages de communication : d’une part, il s’agit d’identifier correctement son public pour adapter son contenu, son ton, son format, sa durée. D’autre part, de voir comment des médias peuvent être complémentaires (qu’il s’agisse de vidéo ou de texte). D’ailleurs, dans la plupart des podcasts qui font référence à des ouvrages ou à des liens ou à d’autres vidéos, toutes ces informations sont notées en description écrite du podcast et non citées dans l’audio.
- L’intégration du podcast dans un environnement d’apprentissage : il s’agit ici de la notion spécifique au cadran 4, le fait que le podcast soit intégré et non, autonome. Le scénario pédagogique doit impliqué dans son élaboration une interaction avec les élèves pour qu’iels comprennent la manière dont iels vont devoir s’approprier le contenu audio dispensé.
- L’évaluation du dispositif : comme tout dispositif d’apprentissage, il doit être évalué en fonction des étudiant·es, de leurs usages et des objectifs tenus.
ET LA NOTIF DANS TOUT ÇA?
La Notif, c’est une thématique, 22 minutes d’interview entre Laurent, Cassi et un ou une expert·e sur le sujet traité et des extraits de pop culture pour dynamiser le tout. Cette série, conçue dans cette réflexion de démarche pédagogique, répond à toute une série de critères réfléchis au préalable : un format relativement court, dont les thèmes abordent des questions plus métacognitives que pratico-pratiques (l’erreur dans l’apprentissage, l’utilisation d’outils libres, l’éducation aux médias, le besoin de déconnecter, le genre dans les jeux vidéo, etc.), à destination d’un public d’enseignant·es qui auront besoin, à terme, de ressources et de pistes concrètes d’actions à intégrer dans leur établissement scolaire. Raison pour laquelle, cette durée, ce montage et ces sujets ont été choisis.
Tous les épisodes sont disponibles sur la page « Ressources » du projet Teach Transition et sur toutes les plateformes traditionnelles de podcasts (Spotify, Google Podcast, Itunes et consort).
Bonne écoute !
Article rédigé par l’équipe Teach Transition